vendredi 17 décembre 2010
Don't cry Baby-2
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Des yeux bienveillants assistèrent à ce réveil. C'était un jeune médecin, du nom de Malcolm Stein, élancé, le teint mat qui s'adressa à elle dans un langage inconnu, mais apaisant. Elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas où elle était. Pour elle résonnait encore dans ses oreilles la mélodie charmeuse de « Don't cry baby » et puis aussi le bruit qui suivit, le fracassement des tôles, les cris....elle se souvint. Elle voulut alors se redresser, mais elle sentit que sa tête était prise dans un carcan et que l'air qu'elle respirait lui était insufflé par une machine qui poussait des gros soupirs intermittents. Aucun de ses membres ne répondaient à sa volonté de mouvements. Seules ses paupières lui obéissaient. Elles les tint encore un peu closes, car dès qu'elle ouvraient les yeux, elle était tellement éblouie qu'il lui semblait que sa cornée brûlait. Macha s'agita alors, mentalement, confuse et terrifiée, revenant d'entre les morts. Un gémissement s'échappa de sa gorge.
Le médecin souriant, lui injecta une substance qui la plongea momentanément dans un état de somnolence afin de calmer ses angoisses. Macha reprit vraiment connaissance dans les jours qui suivirent.
On avait retiré la canule de sa trachée, elle sentait d'ailleurs une petite douleur au niveau de sa gorge. La cicatrisation de la trachéotomie avait été rapide. En quatre jours, l'orifice s'était refermé proprement.
Elle entendait bien, chaque bruit, chaque parole étaient autant de témoignages de son état de « survivante ».
Alors d'heure en heure, les questions commencèrent à affluer. Même si peu de souvenirs lui revenaient, elle avait conservé l'intelligence qu'elle avait jadis, cette curiosité qui l'avait toujours animée. Elle essaya de prononcer quelques mots, mais sa gorge répondait difficilement. Le médecin des premières heures de son réveil se tenait là, devant elle. Il avait un air étonné et attentif. Il semblait aux aguets de ce que cette femme, endormie depuis dix ans pouvait bien ressentir.
Les jours passèrent, en silence, en gestes de soins, en stimulations diverses...toutes les soignantes y allaient de leurs encouragements et de leurs sollicitations.
Les progrès se faisaient sentir. Macha allait de mieux en mieux, jusqu'au jour où, Malcolm Stein vint à nouveau lui rendre visite. Elle était semi-assise, la nuque soutenue par une minerve, les bras toujours inertes ainsi que les jambes.
Là vinrent les explications: elle fut interdite quand il lui annonça l'année dans laquelle elle se sentait projetée d'un coup, et à la révélation que sa moelle épinière avait subi un tel dommage lors de l'attentat à la bombe dans le train, que sa paralysie serait certainement totale et définitive. Ele ne put retenir une larme qui coula lentement de son regard éperdu...qu'allait-elle devenir?
Pourquoi se sentait-elle aussi seule? Personne n'était encore venu la voir...
Petit à petit, on lui distillait des informations.
Après l'attentat du train, il y eut une série de multiples attaques dans toutes les capitales du monde occidental. On dénombraient des centaines de victimes, à Rome, Paris, New York, Berlin, Londres... En 2012 les attentats ensanglantèrent aveuglément durant plus d'une année, sans beaucoup de répit. Cela eut pour effet une dépression économique majeure encore jamais vue dans les pays d'Europe puis les Etats Unis et la pauvreté des classes populaires augmenta effroyablement.
Parallèlement, la planète ne s'occupant pas des affres existentiels des diverses communautés, combattantes chacune pour des idéaux affichés déistes, extrémistes, sectaires, religieux de tous bords, cette planète s'emballa. Le réchauffement de la terre et la fonte précoce et plus ou moins attendue des pôles, s'accélérèrent. Les accidents climatiques se firent de plus en plus nombreux, réduisant des populations entières à la survie. Ces années de tonnerres, de bruits, de raz de marée et autres tremblements de terre engloutirent plusieurs milliers de victimes. Les états avaient du mal à conserver le minimum vital pour leur population.
Malcolm prit la main de Macha, doucement, caressant, tentant d'adoucir ses propos pour cette conscience qui s'éveillait à ce nouveau monde de terreur. Il avait pris soin de faire diffuser dans sa chambre des musiques classiques, de Vivaldi, Mozart et Beethoven, des musiques de jazz , Chet Baker , Count Basie et Thelonius Monk ; depuis quelques temps déjà la preuve était faite de l'influence et de l'efficacité de la musicothérapie dans bien des maladies. Il était inconcevable désormais de voir les chambres ou les autres services médicaux privé de musique.
Le monde dans lequel Macha s'éveillait avait changé, et les contrastes étaient encore plus marqués qu'à son époque. Elle se demandait pourquoi elle était au centre de tant d 'égard quand tout lui indiquait l'horreur à l'extérieur.
Ce que Macha ignorait encore est qu'elle avait, en tant que victime d'un attentat, bénéficié d'une prime d'assurance importante, assurance qu'elle avait contractée peu de temps auparavant.
Quand la question concernant sa famille vint à ses lèvres, pudiques jusque là, apeurée de ce que la réponse pouvait apporter, elle tendit l'oreille, avec une intense émotion, tout en prenant un air détaché, comme pour rassurer le médecin: sa sensibilité pouvait désormais tout endurer, tout accepter.
Ses parents allaient venir la voir. Ils avaient eu du mal à croire à la réalité de son réveil, ayant presque fait le deuil de la perte de cette jeune fille qu'ils aimaient tant et qui avait un avenir si prometteur. La voir ainsi s'éveiller en devant supporter un tel handicap, la quadriplégie, ne les ravissait pas. Cela les effrayait plutôt, même si l'espoir qu'il fondait dans les progrès médicaux leur donna la force d'affronter le regard éploré de cette fille tant chérie. Timidement, ils franchirent le seuil de la chambre. Ils affichèrent un sourire encourageant dès la première minute passée, voyant toute la vie et l'âme dans les yeux de leur fille adorée. Ses traits fins et harmonieux étaient détendus. Macha reconnut ses parents même si les 10 années passées avaient terni leurs visages tourmentés par l'absence, la tristesse, le temps qui s'était écoulé.
Malcolm décida de les laisser quelques instants, afin qu'ils se retrouvent, que leurs larmes se mêlent, que leurs mains se touchent. Malheureusement, Macha ne sentit pas la douce chaleur de la paume de son papa. Elle apprécia cependant de tout son coeur la merveilleuse caresse des lèvres de sa maman sur son front. Elle sentit alors son parfum, elle le reconnut aussitôt. Il évoqua chez Macha une atmosphère, une sensation, indistincte mais pas vraiment de souvenirs précis. Et pourtant, c'est cette odeur subtile qui fut le déclic, et qui permit à Macha de retrouver peu à peu son passé.
lundi 6 décembre 2010
Don't cry Baby...
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Ceci est la première page d'une histoire que je suis en train d'écrire, toute ressemblance avec des personnages connus est sûrement inconsciente, et ceci est une fiction...d'anticipation. merci de me donner votre impression.
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Le son grave du violoncelle glissait sur les accords réguliers et doux du piano. Macha écoutait l'élégie de Fauré chaque fois qu'elle prenait le train. Cela s'accommodait bien avec son humeur: légère et profonde, enlevée et énergique par instant, rythmée et soutenue, chantante et mélodieuse. De fins écouteurs la reliaient à son ordinateur dont elle ne se séparait pas souvent.
Et puis, quelques chansons, quelques musiques, il fallait occuper le temps.
Elle avait l'esprit libre, ses pensées vagabondaient, tandis qu'elle observait les arbres dorées de la campagne à l'automne. Elle avait toujours son appareil photo, avec elle, car quand l'envie la démangeait, elle ne supportait guère de ne pas l'avoir, tellement était important pour elle de fixer les images qui la charmaient. C'était une façon de braver le temps, de marquer la mémoire.
Dans le train, comme bercée par le bruit du rail, elle aimait écrire. Avec un ordinateur, on peut presque tout faire. Dans le ciel, elle vit dans le fond azuréen, un magnifique nuage en forme de colombe qui se transformait petit à petit, s'étirant en voile léger sur un air de Madeleine Peyroux, don't cry baby....
Soudain, une détonation fulgurante. Un éclair étrange, un sifflement terrifiant....tout se disloqua brutalement. Une vibration inquiétante se transforma aussitôt en secousses irrépressibles. Le choc qui suivit la déflagration fut terrible. Le silence presque immédiat fut émaillé de pleurs et de râles des quelques survivants.
Macha ouvrit les yeux. Elle s'était agrippée tant bien que mal à son fauteuil. Elle avait tellement serré les mâchoires qu'un filet de sang coulait de la commissure de sa bouche. Elle ne sentait rien, mais elle voyait bien qu'elle ne pouvait plus bouger ni bras, ni jambes. Comme prostrée, secouée, elle essayait juste de garder son calme, de sentir sa respiration, elle entendait les pulsations de son coeur dans ses oreilles bourdonnantes. Elle se rassura ainsi: je dois être vivante, se dit-elle aussitôt.
Ses yeux se dirigèrent vers le plafond qui s'ouvrait sur le ciel, le fauteuil devant elle s'étant abattu violemment sur son corps, plié, recroquevillé; elle tenta un mouvement de tête et c'est à ce moment précis qu'elle perdit connaissance.
Elle n'entendit pas les sirènes qui hurlaient de désespoir et de colère, elle ne vit pas les visages des personnes qui l'extirpèrent de la carcasse fumante, elle ne put se rendre compte de la détresse des quelques survivants qui avaient eux, assisté à tout...les corps calcinés, les enfants pleurant leur parents inanimés, la mère éplorée, les yeux hagards, perdus, fondant en larmes sur le petit corps de l'enfant atrocement mutilé.
C'est le bip régulier du scope qui accompagna son réveil. Macha avait sombré dans un coma profond pendant 10 ans. Lorsqu'elle s'éveilla elle avait atteint l'âge de 38 ans. Nous étions en novembre 2022.
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